La Déshumanisation Dans Une Station de Métro Parisien
Lola Pétrin


CHACUN POUR SOI !
Le prochain métro ne va plus tarder.
Plus d’une heure de trajet jusqu’à ma banlieue.
C’est là que se trouve ma piaule.
Tout en haut d’une tour comme la tour de Babel.
Le quai est noir de monde.
Ça grouille de partout.
D’en haut des escalators, ça déboule.
Une vraie fourmilière.
Non, mais regardez-les !
Regardez-moi ces androïdes et leur air hagard !
Y a pas une once de générosité en eux.
Pas un atome d’humanité dans leur regard.
Même qu’on dirait des robots produits en série.
Leur regard est figé, leur sourire grince.
Leurs pas sont pressés, leur temps est compté.
Leurs battements de cœur font tic-tac.
Le métro arrive.
A son bord, des usagers compressés.
Tous collés les uns aux autres.
Comme dans une boîte à sardines.
Chacun pour soi !
Je prendrai le prochain métro.
Aucune urgence à se faire du mal.
Aucune envie de me faire marcher sur les pieds.
Ni de me taper des odeurs à vous donner la gerbe.
Non, mais regardez-les !
Regardez-moi ce troupeau d’ânes s’entasser dans les wagons !
Y a pas une once d’humanité en eux.
Pas un atome de bienveillance dans leurs faits et gestes.
Et vas-y que je te bouscule pour passer !
Que j’en oublie les règles de courtoisie !
Que je me cramponne d’une main à la barre !
Que je me permette, de l’autre, quelques petits dérapages !
Le métro vient de partir.
Restent plus que quelques blaireaux sur le quai.
Ceux qui se sont fait refouler l’accès au wagon.
Plus un clodo qui dort par terre et que personne ne remarque.
Chacun sa croix !
Non, mais regardez-moi ça !
Regardez-moi c’t’engin qui vient vers moi !
Une gonzesse de toute beauté.
Une bombasse comme je les aime.
Comme ça, à vue d’œil, je dirai la vingtaine passée.
Propre sur elle, les ongles soignés.
Le sourcil bien dessiné, les lèvres maquillées.
Les jambes épilées impeccables.
Elle lit une revue à deux balles.
Vous savez, l’une de ces revues stériles.
Mélange de photos prises sur le vif et de blablabla.
Elle est belle, c’est déjà ça.
Sans me démonter, j’accoste la demoiselle.
Echange de regard, l’espace de quelques secondes.
Haussement d’épaule en guise de réponse.
La petite s’éclipse fissa vers la bordure du quai.
Chacun son destin !
Le métro arrive.
Je prendrai le prochain.
Ou le prochain du prochain.
Je ne suis plus à un prochain près.
Ma belle inconnue monte avec les autres automates dans le train.
La machine fait « dring ! », le tas de ferraille se met en marche.
Ma citadine de pacotille rouvre les pages de son magazine.
Puis elle consulte sa montre en toc qui fait tic-tac.
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